Le CNRS sera-t-il mangé par les universités ?

Les 26 000 agents du CNRS sont sur le qui-vive. "Une mutation profonde de la gestion de la recherche en France se prépare dans l'opacité la plus totale, s'alarme, dans une lettre ouverte, le président du Comité national de la recherche scientifique, Yves Langevin. Si les intentions (du gouvernement) se précisent, le Comité national ne pourra assister en spectateur passif au démantèlement de fait des organismes de recherche publique."


Les craintes sont nées du programme de Nicolas Sarkozy, qui, encore candidat à la présidentielle, annonçait : "Je transformerai nos grands organismes en agences de moyens pour qu'ils financent la recherche française selon une logique de projets. Nos universités deviendront les principaux opérateurs de la recherche, comme cela est le cas dans tous les pays à la pointe de l'innovation."

Elles se sont confirmées avec la lettre de mission adressée par le chef de l'Etat à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui enfonce le clou : "Vous ferez évoluer nos grands organismes de recherche vers un modèle davantage fondé sur celui d'agences de moyens finançant des projets. Vous placerez les universités au centre de l'effort de recherche".

Le conseil d'administration du CNRS devait examiner, jeudi 18 octobre, un schéma stratégique élaboré depuis plusieurs mois. Or cet examen a été retiré de l'ordre du jour à la demande du directeur général de la recherche et de l'innovation au ministère, Gilles Bloch. Celui-ci invoque, dans un courrier, la nécessité d'attendre "les orientations du gouvernement qui seront précisées dans les prochains mois", notamment sur "les principes de pilotage" des unités mixtes aujourd'hui cogérées par le CNRS et les universités.

L'annonce, par Valérie Pécresse, de la création d'un groupe de travail sur les rapports entre organismes et universités ne suffira sans doute pas à dissiper les inquiétudes des scientifiques. Ceux-ci redoutent de voir le fleuron de la recherche nationale réduit à une coquille presque vide, où ne subsisteraient que la gestion de grands équipements - tels que les accélérateurs de particules - et de quelques grands programmes pluridisciplinaires.

Pierre Le Hir
Article paru dans l'édition du 18.10.07.